EXCLUSIF : l’ultime confession de Bouteflika

 

Les derniers mots du président algérien sur son lit de mort avant son retour en grâce.

 

A la veille de son rapatriement vers Alger après plusieurs semaines d’hospitalisation en France pour un cancer gastrique, un de nos journalistes a pu discrètement introduire un minuscule micro-espion sous l’édredon en velours d’Abdelaziz Bouteflika, déjouant au passage la vigilance des 287 agents de la DRS* postés très discrètement autour de sa chambre avec vue de l’hôpital du Val de grâce. Et ce que révèle notre enregistrement est édifiant : plongé dans un ultime délire présidentiel avec le Créateur, le chef de l’état algérien y livre un visage d’une incroyable humanité, allant jusqu’à faire l’aveu à plusieurs reprises de multiples « erreurs de parcours ». Extraits inédits.

 

Le Créateur :

« Abdel, je peux t’appeler Aziz ? Au paradis, c’est l’éden des tirs au flanc. Une carte postale pour promouvoir le tourisme… Je risque de te vexer. Tu n’as pas fait grand-chose pour ça, en Algérie. Ce n’est pourtant pas la beauté des paysages qui manque… »

Pas de réponse. Il se vexe déjà.

Abdelaziz Bouteflika (fulminant dans tous les sens) :

« Je n’arrive pas à fermer l’œil avec tous ces cons qui me donnent déjà pour mort. Ah, les cons… S’ils pensent que je n’avais pas tout prévu. In Amenas, Mokhtar, Cameron, Tombouctou, Aqmi et j’en passe, c’était du mektoub version Abdelaziz. C’est moi qui en avais dessiné les grandes lignes. Même mon transfert vers l’au-delà a été préparé jusque dans les moindres détails… Toi, tu ne fais que recevoir les âmes et les réorienter vers ton purgatoire. Tu agis comme une pervenche de l’éternel. »

Le Créateur (outré) :

« J’ai peur de ne pas comprendre… Les grandes lignes, vieux cacochyme, c’est moi qui les dicte au petit personnel. Tu n’es qu’un simple exécutant. Tiens-le toi pour acquis. Et si tu veux voir de quel bois je me chauffe, continue, tu es sur la bonne voie… »

Abdelaziz Bouteflika (pince sans rire) :

« Dieu, tu permets que je t’appelle Allah ? Je n’arrive pas à croire que toi aussi tu aies pu tomber dans mes filets. Le seul à avoir permis à ce peuple d’incultes de voir enfin la lumière, c’est moi. C’est moi qui tire les ficelles, moi qui décide des dates. Tiens, l’année prochaine, par exemple : les Algériens jeûneront un jour de moins, car dans ma grande clémence, j’ai fait en sorte que l’avant-dernier jour du ramadan coïncide avec l’anniversaire de ma mort. Je suis omniscient, omnipotent, intemporel… »

Il s’emporte et se fait aussitôt interrompre par l’Eternel.

Le Créateur (sidéré) :

« Impatient qui se lasse vite ! C’était bien ça le problème de tes mandats. Alors !? N’essaye pas de charmer les anges. Dieu, omniscient, sait tout à ton sujet. Confie-toi plutôt, l’heure est venue. Et pas de langue de bois. Je ne suis pas un de ces gratte-papier d’El Watan. Et profites en aussi pour te déchausser. Ça ôtera de ton esprit cette sale habitude de se faire lécher les bottes. »

Abdelaziz Bouteflika :

« Je n’ai pas peur de toi et déteste tous ceux de tes fidèles qui se répandent en excuses alors que la mort se fait pressante. Mais je suis quelqu’un d’intègre et digne quand l’heure est grave. Alors, je veux bien de te faire quelques confidences… (Il réfléchit). Prenons la concorde civile, par exemple. Tu l’ignorais sans doute, mais c’est une idée que m’a soufflée le général Médiène**, quelqu’un que -tu l’imagines- je n’ai jamais spécialement porté dans mon cœur. « Il faut, m’a-t-il livré un soir les mains encore pleines de sang, en finir avec la décennie noire, avec le terrorisme d’état et celui mis en place par l’état pour anéantir le mal. » Au début, je trouvais ça un peu farfelu et même risqué que l’on puisse laisser entendre que les crimes des uns soient effacés par ceux-là même qui en étaient les véritables auteurs, ce que nous étions évidemment les seuls à savoir. Et puis j’ai réalisé très vite que le mystère risquait d’être percé à jour, dans le cas contraire. Alors pour éviter que les familles des victimes ne finissent par réaliser que nous avions tout manigancé, j’ai proposé que le Pardon présidentiel soit accordé à tous : tueurs sanguinaires, islamistes aussi bien que militaires. Juste après son adoption par référendum, la loi a été promulguée, et les attentats terroristes ont miraculeusement pris fin. Subitement aussi, les victimes du terrorisme rentraient au bercail : journalistes, intellectuels, etc. Bonté divine, que je suis doué… »

Le Créateur (circonspect) :

« Ça me rappelle une pub de RSF à ton sujet, ça doit remonter à il y a bien 10 ans. Une affiche qui soulignait que la liberté de la presse en Algérie était un leurre. Es-tu seulement en mesure de me donner quelques détails sur le nombre de journalistes algériens emprisonnés et inquiétés sous ta présidence ? »

Abdelaziz Bouteflika :

« J’ai encore au moins 190 milliards de dollars de réserves planqués à la banque, alors laisse-moi te dire qu’au moment de faire le grand saut, ce sera foie gras pour tout le monde, et les gratte-papier, crois-moi, n’auront pas le bec fin. »

Le Créateur :

« Détends-toi, Azizou. Ce soir, de toute façon, on s’occupe du menu : choucroute berbère façon Éden. Je t’en laisserai pour ton premier dîner là-haut. Il faudra aussi qu’on évoque le nom de ton successeur, l’Algérie de demain. Et puis, ta réconciliation avec la France…

(Le Créateur se fait alors interrompre par un Ange venu lui remettre un document de la plus haute importance).

Tiens, figure-toi que ton ami Bachar t’adresse ses vœux de « prompt rétablissement et une longue vie. » Et il conclut de cette manière : « Dieu que le président algérien puisse rentrer dans sa patrie en pleine santé pour poursuivre l’édification de l’Algérie soeur ».

Mon petit Aziz, je crois bien que l’heure est venue… »

Entretien discrètement retranscrit par Clara Schmelck et Mehdi el Fintar


* Département du Renseignement et de la Sécurité ou DRS. Services secrets.

** Mohamed Mediène alias “Tewfik”, chef du Département du renseignement et de la sécurité (DRS), candidat à l’élection présidentielle de 2014.

 

 

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Farouk Atig
Farouk Atig, ancien grand reporter, conférencier et enseignant, dirige Intégrales

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