« Visage. mis à nu. Olivier Roller / Regards sur 20 ans de portraits » vient de paraître il y a quelques semaines chez Chic Médias, une société d’édition de moins en moins indiscrète, basée à Strasbourg. L’ouvrage achevé en à peine un mois rassemble une centaine de portraits originaux qui mettent en lumière le remarquable travail photographique de l’un des meilleurs portraitistes de son époque. Ambiance.

« Le cadre d’Olivier est serré, sa lumière est crûe, impitoyable, rendant un kaléidoscope d’attitudes et de sentiments étranges, parfois gênants. Des portraits de personnalités connues ou moins connues du grand public qui racontent toutes quelque chose de notre temps. Qui racontent la relation qu’elles entretiennent au temps justement. Et à la mémoire. La leur, la nôtre », souligne Bruno Chibane.
Tout est dit, ou presque…

Dans l’une des pièces maîtresses de son œuvre (« L’autel des morts » – Stock) qui dépoussière avec brio notre relation au passage vers l’autre monde, Henry James décrit de cette manière l’empressement du héros pour une femme qu’il lui semble aimer :
« Elle faisait naître les passions autour d’elle avec la même régularité que la lune attire les marées ».
Si ma passion du récit m’a probablement été révélée par Rilke, celle de la transmission m’a incontestablement été inoculée par ces quelques et rares rencontres qui ont compté : celle avec Bruno Chibane eut lieu alors que je n’avais pas encore 20 ans.

Au milieu des années 1990, le jeune éditeur de la revue Limelight donnait sa chance au journaliste en devenir que j’étais, alors qu’il ignorait pour ainsi dire tout de moi. Premiers émois littéraires, et découvertes dans la foulée d’un foyer souterrain de joyaux culturels, avec le théâtre d’abord, puis la littérature.
20 ans plus tard, si quelques notes opalines encombrent subtilement le crâne de l’intrépide éditeur strasbourgeois, les déclivités successives qui se sont insinuées sur son passage n’ont pas su entamer la détermination de cet avide touche-à-tout.
Avec son camarade de toujours Philippe Schweyer, lui-même éditeur de presse à Mulhouse, les deux comparses ont mutualisé réseaux et ressources, créant deux sociétés cousines qui évoluent plus ou moins sur les mêmes sphères (« Chic Médias » pour Bruno Chibane, basée à Strasbourg, et « Mediapop » pour Philippe Schweyer, à Mulhouse), organes de presse qui ont donné des ailes aux deux sbires qui entendent ratisser large, même très large, bien au-delà des simples frontières de l’Alsace du moins.

Il y a tout juste 20 ans, Bruno Chibane, alors étudiant épris de cinémascope et du monde de l’édition, conviait talents méconnus ou pas à se joindre à lui : les premières heures de son équipée folle débutèrent par de simples projections de films d’auteurs dans les facultés de la région, avant le lancement de Limelight, revue « Art et écran » ouverte à tous les champs du possible de la culture, parmi lesquels la photographie.
A l’époque, Olivier Roller, photographe (lui aussi en devenir) participe volontiers à l’aventure éditoriale, réalisant de premiers clichés d’artistes et personnalités de passage en Alsace, sans savoir encore que’une véritable vocation allait naître de ces fragiles atermoiements.
20 ans plus tard, le photographe passé notamment par Libération, Le Monde, Marianne, Téléréma (pour ne citer qu’eux) tire une grande bouffée d’air à un carrefour de sa vie : « Visage. mis à nu. Olivier Roller / Regards sur 20 ans de portraits » est sobrement né de cette fondamentale rétrospection.
Portraits à l’état brut ou brutal d’individus qui font ou défont le monde à leur manière, sorte d’entonnoir réfléchissant des grands et puissants de la planète circonscrits à leur naturalité d’homme, cet opus est une harmonie joyeuse d’âmes rompues à leur fragilité, et que ce talentueux photographe du réel a su percer à jour.
Grisante curiosité artistique dont les créatures elles-mêmes semblent vouloir sortir de la temporalité à laquelle elles sont confinées, dans le but inavoué de hanter nos nuits.
Voir aussi :
- Olivier Roller, regard sur 20 ans de portraits (France 2, Télématin)
- Quand Binoche, Moreau et Cronenberg s’abandonnent à l’œil d’un photographe (France Inter)
Lire au lit, paru chez Médiapop Editions, et Fumer sous la douche, aux Editions Chic médias, deux galaxies originales et exubérantes éditées au format journal, sont disponibles depuis peu.


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