SPECIAL PRINTEMPS DES MEDIAS
Ceux qui étaient présents à la dernière édition du Printemps des Médias 2015 ont pu apprécier la passion avec laquelle il prenait part aux débats sur le sens à donner aux nouveaux médias. Il a vingt ans, mais Martin n’est pas un petit jeune. C’est un gamin, un vrai. Avec une coupe de cheveux semblable à la fougue nerveuse de son discours. Spicee vient de consacrer un reportage à Sans_A, le média qu’il a crée en 2014 .
A contre-courant de la tradition de média – qui consiste à faire la publicité (positive, négative ou mitigée) de personnes influentes ou qui pourraient le devenir, Sans_A parle et fait parler des anonymes qui ont tout perdu : les SDF, les sans-abris, les réfugies « qu’on croise trop souvent dans la rue en se disant que c’est fini pour eux, comme s’ils n’existaient déjà plus. Sans_A raconte leur histoire. Fait tomber pas mal d’idées reçues. Parmi ces gens là, il y en a encore qui ont la rage, il y en a encore qui se battent. Il y a en beaucoup pour qui, un simple geste, un simple coup de main, pourrait peut-être changer leur vie. », explique le garçon au journaliste Benoît Raphael. Sans_A, comme “sans abri, sans argent, sans affection, sans avenir…”, “mais avec une histoire”, fait valoir Martin.
Story telling et Visibilité
« Sans_A » serait-il donc ce média qui enrubanne la rue de strass-paillettes, une boîte à fabriquer des histoires qui fleurent bon le béton et la misère, oscillant entre le hard-core et la pitié, pour gagner l’émotion de l’honnête hipster tout en distrayant une poignée de sans-abris ? Pour entrer dans « Sans_A », il faut comprendre ce que le mot « histoire » veut dire.
A 18 ans, Martin décide de se glisser dans la peau d’un SDF. Pendant toute une journée, il se prive de manger et va mendier dans la rue. De cette expérience, il revient avec une certitude : ces personnes ont besoin de visibilité.
Concrètement, donner visibilité à une personne, c’est tout simplement lui conférer le droit d’avoir une histoire et de la raconter à toute autre personne possible. Pas un passé que seuls pourraient entendre un avocat, un humanitaire ou un psychiatre, mais une histoire, comme n’importe qui raconte avec effroi ou plaisir des instants de sa vie. Philosophiquement, cela change tout. On dit d’un errant qu’il a un passé, comme si sa vie était non seulement un échec irréversible, mais surtout une expérience nulle au point de vue intersubjectif. Inénarrable. Avoir une histoire, c’est avoir traversé des péripéties, plus ou moins heureuses, plus ou moins honorables, et pouvoir, en les partageant, s’en distancer par le rire, la réflexion, l’imagination, mais aussi disposer d’aide.
Média de fine proximité
En mars, « Sans_A » lancera une plateforme de crowdfunding, qui permettra de financer les portraits : avec de l’argent, mais aussi avec de l’aide matérielle : un hébergement pour le journaliste, un billet de train, un appareil photo et un local.
Entre temps, Martin multiplie les tentatives de partenariats. Une de ses dernières idées est de nouer un contrat avec la RATP qui permettrait de recréer du lien social dans le métro. « Vous rentrez dans votre station de métro. Un petit kiosque est installé, semblables à ceux utilisés par MetroNews et 20 Minutes. Sauf que celui-ci est différent. Vous pourrez lire le portrait d’une personne Sans A dont l’histoire a été recueillie à proximité. », ce qui pousse le lecteur à se sentir plus concerné que s’il entend une histoire à l’autre bout du monde. Travailler les histoires à fine échelle, toujours, tel est le mantra de » Sans_A ».
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