Regards croisés sur le conflit syrien : trois questions, deux spécialistes.
Dans le cadre de notre dossier spécial Syrie, nous nous sommes entretenus avec deux experts du Moyen-Orient : Hasni Abidi, chargé de cours à l’Institut européen de l’Université de Genève et directeur du Centre d’études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen (CERMAM, à Genève), auteur de Où va le monde arabe ? (Encre d’Orient, 2012) et le géopolitologue Frédéric Encel, professeur de relations internationales à l’ESG Management School et maître de conférences à Sciences-Po Paris, auteur de Comprendre la géopolitique (Seuil, 2011).


Nous leur avons posé trois mêmes questions sur la situation syrienne.
Première question :
L’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH, basé à Londres) vient d’annoncer ce dimanche que plus de 8000 personnes auraient perdu la vie au cours des 26 derniers mois en Syrie. Quelle est la véritable marge de manœuvre de la communauté internationale ? Et d’après vous, ce chiffre est-il conforme à la réalité ?
Hasni Abidi :
« Le nombre de morts avancé par l’OSDH est hélas conforme à celui donné par des organisations proches de l’ONU. Le conseil des droits de l’homme évoque plus de 70.000 morts. Le monde sera choqué de découvrir le nombre élevé des disparus, ce qui va amplifier la dimension tragique de la crise syrienne. Chaque jour qui passe sans solution humaine est un jour de trop.«
Frédéric Encel :
« Ce genre de chiffrage est extrêmement difficile à vérifier. D’abord parce que le régime de Bashar el Assad ne fournit jamais de bilans sérieux lors des confrontations – ce fut vrai lors des guerres de 1948, 1967 et 1973 contre Israël par exemple, et autour de la répression de Hama en 1982. Ensuite, cet observatoire repose sur un seul homme ou presque, opposant notoire basé à Londres, soit fort loin du terrain. Cela dit, l’important réside non dans le détail statistique mais dans l’échelle ; plusieurs dizaines de milliers de tués en deux ans, dont une grande majorité de civils, voilà qui traduit à la fois la violence de la guerre, la puissance des armes employées, ainsi que la détermination de l’armée d’une part, des rebelles d’autre part. Il faudrait aussi tenter d’établir un bilan des massacres qui, hélas, semblent de plus en plus fréquents et de type nettement ethno-communautaire (alaouites/sunnites). Quant à ce que vous appelez la Communauté internationale, sa marge de manoeuvre est théoriquement très large. Face aux exactions massives perpétrées par un régime dictatorial et à présent largement déconsidéré, la responsabilité de protéger les populations devrait prévaloir. Mais ce concept de communauté internationale ne prend sons sens actif qu’aux Nations unies. Or le petit « hic », c’est que ni la Russie ni la Chine – membres permanents du Conseil de sécurité, n’acceptent que soit condamné le régime de Damas. Et tant que Moscou et Pékin opposeront leur veto à toute résolution contraignante à l’encontre d’Assad, celui-ci aura les mains libres.«
Deuxième question :
Qu’est ce qui explique que Bachar al-Assad soit encore en poste ?
Frédéric Encel :
« Justement, c’est ce rapport de force qui lui est favorable, non seulement sur le plan diplomatique, mais aussi et surtout au niveau militaire. Voyons un peu ces deux « niveaux d’analyse », comme dirait mon maître en géopolitique Yves Lacoste. En premier lieu, il faut rappeler que la Syrie est l’alliée politique et militaire de l’Union soviétique (puis de la Russie) depuis 1953 ! Ses élites militaires s’y font former, ses matériels lourds en proviennent. On le voit bien d’ailleurs aujourd’hui ; comment croyez-vous qu’Assad tienne depuis presque deux ans en utilisant l’intégralité de ses aéronefs – modernes du reste – et son artillerie lourde ? Poutine assure un véritable pont aérien et maritime de munitions et pièces détachées sans lequel son allié aurait chuté depuis longtemps. Pour Moscou, l’intérêt réside dans cette alliance, unique dans l’ensemble du bassin méditerranéen. D’où ce soutien russe (les Chinois suivent) tout à fait inconditionnel. Du coup, sur l’échiquier militaire syrien, Assad dispose encore de la reine (l’aviation) et des deux tours (les blindés), tandis que l’opposition grignote du terrain avec ses pions (fantassins peu armés). Voilà pourquoi les Occidentaux n’agissent pas plus. Nous craignons comme la peste, Américains et Européens, un risque d’affrontements directs ou indirects avec la Russie, énergétiques, politiques voire même, au pire, militaires. J’ajouterais – n’en déplaise à certains – qu’Assad dispose encore dans la société syrienne de nombreux appuis : la plupart des Alaouites (par nécessité sans doute plus que par adhésion), nombre de druzes et de chiites, une partie des sunnites aisés, de nombreuses femmes. Tous ces gens redoutent l’arrivée d’un pouvoir dominé par des extrémistes sunnites. »
Hasni Abidi :
« Il s’est préparé à ce moment depuis longtemps. Un régime aussi autoritaire ne peut ignorer que sa grandeur est limitée dans le temps. Assad s’est appuyé sur les services de sécurités de l’aviation des fidèles parmi les plus fidèles. So clan et ses réseaux nourris par le régime et enfin les alliances externes avec le Hezbollah, Téhéran et Moscou. Ce canevas lui a permis de résister à toutes les secousses. Seule une fissure dans cette alliance est en mesure de menacer le régime. »
Troisième question :
Frédéric Encel :


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