Impossible, quand on a vingt-ans en 2013, de se souvenir des Anciens qui sont partis au front. Impensable de juger de leur acte. Ce que je cherche, c’est ce train qui les a fait partir. Le mécanisme des essieux qui les emmenait mourir. La gloire du grondement, et toutes ces médailles de boues enterrées pour un temps.
La petite gare n’est plus la chapelle innocente de la ville. Ils ont chassé Dieu à coups de crosses. Ils ont chassé Dieu dans un brouhaha infini. A l’heure, le train quitte son buttoir en sifflotant. Mais ses wagons pleurent en un râle-mourir, ils s’accrochent aux panneaux devenus seuls sur le quai. Le pupitre commande de sa haute raison, et eux crient à s’en multiplier.Les wagons regardent l’arrière, délaissé d’eux, ils savent qu’ils ne se reverrons plus. La locomotive, toute agitée de sa symphonie, vise l’avant de ses gestes essentiels.
Loin, là, la halte hâlée s’en est en allée, et sa place pleure à grosses planches. La grâce a-t-elle perdu patience ?
Suspendu, mal droit
Son nom bleuit sous la marquise
Joue battue au tôt matin,
Blême sous le soleil qui perce
et dépeuplée d’oiseaux.
Elle n’attend plus
dans un accès d’orgueil
que le lichen coquet
pour cacher la rouille
qui s’accroche à ses larmes
et qui demain pendra
comme d’antiques stalactites
Le train ne peut partir
Que les portes fermées
Inutile de courir
Ses entrailles sont armées.
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