Philippe Pujol, Sylvain Lepetit et Julien Fouchet lauréats du prix Albert Londres 2014
— Bordeaux, Chambre de Commerce.
Le jury 2014 du prix Albert Londres vient de délibérer : Philippe Pujol est primé pour son enquête Quartiers Shit, publiée en dix épisodes dans le journal La Marseillaise pendant l’été 2013. Julien Fouchet et Sylvain Lepetit sont récompensés pour leur reportage La Guerre de la polio, diffusé en décembre dernier sur France 2.
A Bordeaux, un cru tres franco-français
Dans la catégorie audiovisuel, La Guerre de la polio, produit par Babel presse et diffusé le 5 décembre 2013 sur France 2, a été préféré à La Centrafrique dans la tourmente, de Ilhame Taoufaki et Clément Alline (quatre reportages diffusés sur TV5 monde) ou encore à Guantanamo Limbo, de Marjolaine Grappe et Christophe Barreyre (une production Babel Presse, diffusée sur Arte).
« Comment les extrémistes religieux justifient-ils cette guerre de la santé dont les victimes sont des enfants ? » questionnait l’enquête des journalistes français Julien Fouchet et Sylvain Lepetit réalisée en Afghanistan et au Pakistan.
C’est à nouveau un français qui a été primé dans la catégorie presse écrite, pour son enquête réalisée en France. Albert Londres à Bordeaux offre un cru très franco-français.
Le jury avait-il la gorge en verve quand il a fait ce choix, qui choque autant que tache un gros rouge ?
On ne peut s’empêcher de penser au journaliste belge Nicolas Bertrand, auteur de l’enquête « Des Européens sur la route du Djihad », diffusée en janvier dernier dans le magazine d’investigation de France 2, Envoyé Spécial. Ce reportage au cœur d’une filière qui recrute des jeunes qui partent faire la guerre en Syrie avait enjoint la presse à s’intéresser au phénomènes des jeunes Jihadistes occidentaux.
« Il ne s’agit pas de récompenser systématiquement des journalistes qui se rendent en zone de conflit », nous rappelle un membre du jury. Dontact. Dommage pour Piotr Smolar (Le Monde) pour sa couverture de l’actualité en Ukraine, ou encore Luc Mathieu (Libération) pour ses reportages en Afghanistan, en Syrie et en Égypte, qui figuraient tous deux sur la liste des sélectionnés.
Mais, il y avait aussi Isabelle Hachey, grand reporter au journal canadien La Presse. La journaliste montréalaise avait été sélectionne pour son investigation sur l’esclavage moderne, en Inde, au Népal et en Mauritanie. Des pays en paix, qui ont pourtant pour point commun d’encadrer légalement des formes diverses d’esclavage.
La réalisation de reportages hors du territoire français n’est ni un réquisit, ni une plus value en soi pour prétendre au prix Albert Londres, nous fera t-on remarquer.
Le proche est le lointain
Au delà de la polémique qu’il suscite, le choix des lauréats du prix Albert Londres 2014 illustre deux tendances : d’une part, le succès des blogs. Philippe Pujol est à l’origine un blogger, et son enquête sur les quartiers nord de la cité phocéenne obéit aux techniques du blogging. Signe que l’expertise de terrain proposée par les blogs est de plus en plus mise à profit lors d’actualités chaudes (L’année 2013 a été criblée de faits de délinquance, à Marseille).
D’autre part, la tendance récente qui se dessine aux Etats-Unis et en France consiste à valoriser de les investigations réalisées dans des lieux dont la proximité géographique est troublante . 2014 aura été l’année des récompenses du journalisme hyper-local. Un quartier en déshérence, un bureau de renseignement où se joue secrètement le destin d’une nation (le prix Pulitzer 2014 a été attribué aux enquêtes du Guardian US sur l’affaire Snowden).
Le lointain, ce peut être le proche que les citoyens ne perçoivent pas d’ordinaire. Albert Londres lui-même avait effectué de nombreuses incursions en France, dans ces lieux d’exclusion tels que les hôpitaux psychiatriques, et auxquels il s’était attaché à donner une visibilité.
De quoi penser que le choix des lauréats 2014 est loin d’être déplacé.
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