Comment peut-on être Rom ?

Le 23 août 2014, dans une relative indifférence des médias, le syndicat de la magistrature a condamné fermement l’arrêté municipal d’expulsion du camp de Roms des Coquetiers, dont Stéphane de Paoli, le maire de Bobigny (93) le 19 août dernier, est à l’initiative. 

Le syndicat de la magistrature  dénonce également la brutalité avec laquelle sont dissipés les hameaux de fortunes des Roms : « On entend beaucoup de discours humanistes, mais la réalité c’est qu’on poursuit les démantèlements de camps comme avant, sous le précédent quinquennat », rapporte le syndicat dans un communiqué. http://%20http//www.syndicat-magistrature.org/Evacuation-du-bidonville-des.html

Evacuation d'un camp de Rom, à Saint-Ouen (capture d'écran TV)
Evacuation d’un camp de Rom, à Saint-Ouen (capture d’écran TV)

le billet satirique que nous reproduisons ci-dessous, paru en 2010 dans les colonnes de Libération, et rédigé par deux journalistes d’Intégrales Mag, paraît d’une indéboulonnable actualité. 

 

Par FRANÇOIS COLCANAP écrivain, vit à New York,
FAROUK ATIG journaliste, à Lyon

Mon cher ami, imagine quel type de récit, Usbek et Rica, pourraient nous donner ou donner à leurs proches, 300 ans plus tard, en visitant la France d’aujourd’hui. Auraient-ils pu arriver jusqu’en France depuis leur Iran natal, auraient-ils pu, ne serait-ce que remplir les formalités administratives nécessaires à cette visite ? M’auraient-ils fait part de ces aventures que je lirais de ce côté-ci de l’Atlantique, elles me laisseraient aussi dubitatif qu’à l’accoutumée, quand chaque matin je browse, pardon Charles-Louis, sur Internet les dernières nouvelles de France.

Les Roms ? Y a-t-il du political correctness dans cette appellation ? Il y a longtemps que j’ai quitté le «territoire», j’utilise ce terme car je crois avoir compris que c’est ainsi que les hommes du pouvoir appellent la France d’aujourd’hui. A mon époque, quand on passait des vacances aux Saintes-Maries-de-la-Mer, on y rencontrait les gitans, les romanichels et leurs petits cirques avaient pris possession des villages. Et quand les grands musiciens de jazz américains se rendaient en France pour fuir la ségrégation, ils découvraient Django Reinhardt et la musique tzigane. Les «Roms» ? Je jette un coup d’œil à la seule édition du petit Larousse encore en ma possession, datée de 1988, et je lis que le terme «Rom» est en réalité la dénomination contemporaine choisie par les Tziganes eux-mêmes. Dont acte !

Je ris car je pense à toutes celles choisies ici pour désigner les Noirs américains, du «Negro» au «Black», avec en toile de fond, cet éternel racisme lancinant !

Allons donc, les Roms seraient donc devenus la source de tous les problèmes du territoire ? Et sur ce point au moins, Nicolas Paul Stéphane Sarközy de Nagy-Bocsa et Marine Le Pen semblent être en accord. Une chute qui peut faire mal, non ?

Ces derniers jours, en parcourant l’actualité de fond en comble, j’ai pu constater qu’un nouveau couple présidentiel avait destitué l’ancien, à la une des principaux journaux. Je vois que votre Président (qui pourrait aussi être le mien) ne prend désormais la parole qu’accompagné de Brice, son homme à tout plaire et vieil ami de vingt ans, dont la ressemblance avec le vieillissant papa de Marine a de quoi troubler.

Etre déchu de sa nationalité ? Et la déclaration universelle des droits de l’homme ? Et son article 15 qui stipule que «tout individu a droit à une nationalité» et que «nul ne peut être arbitrairement privé de sa nationalité, ni du droit de changer de nationalité» ? C’est donc cela qui prévaut désormais en France ? Tout le monde se fout du principe d’état de droit ?

Alors, écoute, en ces temps dangereux, il serait prudent de faire comme Rica et de changer de costume. Bien sûr, je ne t’imagine pas portant les mêmes costumes que Brice, mais sois prudent. Envisages-tu au moins de changer de prénom ?

Une satisfaction tout de même, en lisant les observations de Jacques Bouveresse, membre du Collège de France, qui a préféré décliner la légion d’honneur qui lui fut si généreusement proposée, au nom d’une «certaine idée de l’Education nationale et du service public», et pour ne pas, a-t-il dit, «se trouver en aussi piètre compagnie». Tout cela m’a rappelé ces bons mots de Jules Renard : «En France, le deuil des convictions se porte en rouge et à la boutonnière.»

 

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Farouk Atig
Farouk Atig, ancien grand reporter, conférencier et enseignant, dirige Intégrales

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