A Tripoli, le sort alarmant des migrants clandestins

 ENQUETE 

Le 29 septembre, l’OIM a fait état à l’ONU d’un record alarmant sur le sort des migrants clandestins africains. La Libye est souvent décrite comme la plaque tournante du trafic des migrants vers l’Europe. Mais, le sort des hommes pour qui ce pays est une destination à moyen terme reste peu connu. Escale à Tripoli. 

Les coups de semonce, quotidien des migrants africains

Dans un rapport remis lundi 29 septembre à l’ONU,  l’Organisation internationale des migrations (OIM) dresse un constat alarmant sur le sort des migrants clandestins. Plus de 3.000 personnes ont été retrouvées noyées ou portées disparues durant leur tentative de traversée entre l’Afrique du nord et l’Europe. C’est quatre fois plus qu’en 2013, le double du pic atteint en 2011 lors des révolutions arabes.

L’OIM appelle à une meilleure coordination mondiale afin de bénéficier de données chiffrées plus précises, notamment sur le nombre de tués le long des dangereuses routes de l’exil. Intégrales Productions a mené l’enquête à Tripoli, marche vers l’Europe pour des milliers de clandestins venus de toute l’Afrique.

Dans les quartiers ouest de Tripoli, nous avons rencontré des Gambiens, des Sénégalais, des Ivoiriens, des Nigériens, des Guinéens, des Ghanéens, ou encore des Burkinabés. Retranchés sous des ponts, ils attendent souvent des heures l’arrivée hypothétique d’employeurs libyens pour, généralement, se voir proposer de menus travaux (électricité, plomberie, etc.).

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La démarche est routinière : aux quatre coins de la capitale libyenne, ces « esclaves des temps modernes » laissent choir leur instrument au bord de la route pour indiquer aux automobilistes pressés les services qu’ils sont susceptibles de leur rendre (ici, un migrant malien arbore un marteau entre les mains), livrés au bon-vouloir de leur employeur avec lesquels ils négocient un tarif généralement dérisoire. A prendre ou à laisser… Néanmoins, ces journaliers voient rarement la couleur de l’argent qui leur était promis.

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Pour ces hommes, venus sans leur famille, l’Europe est une destination à moyen terme, qui devient, au fur et à mesure que les jours s’étirent, l’horizon lointain d’un rêve.

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Débarqués pour la plupart il y a plusieurs mois, certains migrants se disent victimes de menaces. Des tirs ont retenti alors que nous prenions ces quelques clichés, sans que cela ne fasse trembler l’un d’eux. Des coups de semonces subis en silence, par des hommes rabaissés à devoir vivre au jour le jour.

Un flux de plus en plus difficile à maîtriser

Le 11 mai 2014, suite à la découverte macabre sur les côtes libyennes de 36 corps de migrants noyés, Catherine Ashton, la chef de la diplomatie européenne, avait confirmé que l’UE continuerait à apporter son soutien aux autorités libyennes, notamment dans le cadre du dispositif d’assistance aux frontières.

Des frontières longues de milliers de kilomètres, aujourd’hui plus poreuses que jamais, dans un pays livré au chaos, et déchu d’interlocuteur officiel pour les Nations Unies.

La situation ne semble pas émouvoir le gouvernement islamiste auto-proclamé, qui a juré pourtant de s’attaquer très bientôt au problème de « ces migrants qui affluent de manière endémique », selon le mot d’un de ses représentants.

Farouk Atig à Tripoli, avec Clara Schmelck à Paris

VOIR AUSSI La Libye, plaque tournante de la migration des réfugiés (reportage pour la RTS de Farouk Atig, rédacteur en chef d’Intégrales Mag)

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Farouk Atig
Farouk Atig, ancien grand reporter, conférencier et enseignant, dirige Intégrales

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