Hoax sur les réseaux sociaux après les attentats de Paris

LE CRIBLE MEDIAS

Alimenter la psychose, amplifier le buzz, diffuser de fausses informations pour attiser les haines et profiter de la situation à des fins politiques …Comment démonter les hoax qui trouvent une audience privilégiée sur les réseaux sociaux ?

« Les photos détournées qui ont commencé à circuler après les attentats de Paris montrent une nouvelle fois combien certains internautes profitent de l’émotion collective pour manipuler les images à des fins peu avouables, sans que ceux qui les partagent ne s’aperçoivent de la tromperie », avertit le site Les Décodeurs (Le Monde), qui donne quelques exemples repérés samedi 14 novembre sur Twitter.

On relève entre-autres deux intox récurrentes  :

Paris est désert du fait de l’état d’urgence : Alertées par la couleur très verte des arbres de la première photo et heurtées par le décalage qu’elles observaient entre ces images et l’atmosphère réelle du pavé parisien, plusieurs personnes ont soupçonné une manipulation. A raison, car ces photos n’ont pas été prises samedi. La première photo date du mois d’août 2014 (ce que les feuilles vertes des arbres pouvaient laisser deviner), la deuxième apparaît comme illustration d’articles dès 2012, la troisième a été prise sur un post de blog en 2006, tandis que la dernière a été postée en 2011 par un contributeur du site du Routard.

Ce que signifie l’état d’urgence : Infographie du gouvernement français, à l’origine de la mesure d’exception

Scènes de joies à Gaza après les attentats :  

Les attentats de Paris ont-ils provoqué des explosions de joie dans les territoires palestiniens, comme le suppute un internaute sur Twitter ? Le cliché (que nous nous refusons de montrer) présenté comme des scènes de liesse après les attaques en France est en réalité une photo de l’agence Reuters de 2012, sur laquelle des Gazaouites célèbrent la signature d’un cessez-le-feu entre le Hamas et Israël.

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Tonneau des Danaïdes 

Entre les mois de janvier et de juin, quelque 295 contenus ont été bloqués par Facebook, selon un rapport semestriel publié jeudi 12 novembre. Cela représente une hausse de 1240% par rapport à la même période l’an dernier. Si toutes ces images parviennent à un fort taux de viralité, c’est parce-qu’elles arrangent souvent la réalité ou la falsifient pour amplifier l’émotion.

En octobre, sous l’effet de à l’intervention du Délégué interministériel à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme (DILCRA), Google France avait retiré des résultats de recherches un site négationniste et supprimé de sa plateforme de vidéo en ligne Youtube quatre vidéos niant la réalité des chambres à gaz notamment. Le blocage de contenus à caractère raciste dont antisémite ou faisant l’apologie du terrorisme sur Facebook s’est également fortement accru en France. Entre les mois de janvier et de juin, quelque 295 contenus ont été bloqués, selon un rapport semestriel publié ce jeudi. Cela représente une hausse de 1240% par rapport à la même période l’an dernier. Près de 300 contenus ont été bloqués entre le mois de janvier et de juin, notamment pour apologie du terrorisme et négationnisme. Dans son rapport semestriel, Facebook dit se plier désormais aux dispositions de la récente loi antiterroriste pénalisant l’apologie du terrorisme. Cependant, l’empire de Zuckerberg n’arrive pas à vider définitivement ce tonneau des danaïdes.

Ce qui est intéressant de savoir, c’est que ces images font le buzz du fait qu’elles prennent des privautés avec la réalité des faits à des fins de séduction de l’audience des réseaux sociaux, ces réseaux étant eux-mêmes un canal privilégié de diffusion d’images à fort potentiel émotionnel. Parmi tous ces contenus à caractère xénophobe, la plupart sont des hoax qui touchent à tous les sujets brûlants de l’actualité : les migrants, la guerre en Syrie, la ploutocratie. Sur Facebook comme sur Youtube, les détournements de photos et de vidéos sont légion. Or, les médias d’information n’ont pas les moyens de vérifier chacune de ces images ou de ces séquences vidéo sur le terrain.

Démonter les hoax 

Une situation de désordre mondial où toute notion d’échelle est brisée et où n’importe quel quidam est en mesure de devenir un mass media est évidemment propice à la propagation de rumeurs et de faux.  « Il existe aujourd’hui tout un panel d’outils et de techniques qui permettent d’enquêter sur ces hoax« , constate la plateforme des  Observateurs de France 24 . La plupart d’entre-eux sont des sites américains dédiés à la vérification des données visuelles et textuelles. Intégrales vous conseille First Draft, ou encore Citizen Evidence Lab, un site crée en partenariat avec Amnesty International et destiné à soutenir les chercheurs et les défenseurs des droits humains afin de mieux tirer parti des nouveaux flux de données numériques émanant des zones de conflit et d’autres droits de l’homme.

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Les Observateurs, site de la chaîne France 24 spécialisé dans l’investigation et dans l’intelligence des sources, invitent avant tout à exercer notre vigilance devant le flux d’images qui circulent. Il y a quelques réflexes basiques à réacquérir.

Quand on se demande si une photo n’est pas utilisée pour diffuser une information erronée, on a l’habitude de chercher des yeux les éléments qui laissent croire à un photomontage. Or, « la retouche est compliquée, alors beaucoup d’internautes malintentionnés ont recours à une technique plus simple. Ils utilisent une image ancienne qu’ils sortent de son contexte en la reliant à une actualité récente.», rappellent Les Observateurs. Pour repérer qu’une photo est plus ancienne que sa légende, il est prudent de la passer dans Google Images ou TinEye, des outils détectant les occurrences de publication antérieures.

Si la date d’une image peut être falsifiée, la localisation aussi. Un nombre important de fakes sont des photos prises dans un pays et diffusées à titre d’illustration d’un événement qui se déroule en réalité dans un autre pays. Pour éviter cet écueil, de plus en plus de journalistes font des recherches géolocalisées sur les réseaux sociaux. De nombreux outils, payants ou gratuits, existent pour géolocaliser également les messages publiés sur les réseaux (Yomapic, Echosec, Gramfeed, SAM Desk, Geofeedia, etc). On peut aussi se servir du moteur de recherche avancé de Twitter (https://twitter.com/search-advanced?lang=fr).

Pour examiner une photo ou une vidéo afin de juger de sa véracité, il faut surtout s’attacher aux détails : vêtements, architecture, météo, accents des gens qui parlent, forme des plaques d’égout ou des bonshommes des feux.

Réseau d’Observateurs

Si chaque internante dispose d’outils efficaces pour démasquer de fausses informations, alors pourquoi France 24 a mis en place en 2007 la communauté des Observateurs, qui compte aujourd’hui plus de 6000 personnes, partout dans le monde, des « amateurs « qui collaborent avec ses journalistes pour couvrir l’actualité ?  Ce précieux réseau de contacts locaux très réactifs permet de vérifier un volume d’information important et plus rapidement que ne le ferait un lecteur seul. Ainsi, en octobre 2009, Les Observateurs avaient pu établir un fact cheking à partir d’une photo d’un assassinat en pleine rue à Conakry en Guinée grâce à des amateurs qui les avaient alerté sur certaines incohérences.

Utiliser des technologies de fact-cheking pour analyser des données visuelles n’induit pas de se dispenser du regard des locaux sur cette source photo ou vidéo. Car les applis ne sont pas infaillibles, et ne permettent pas de solutionner tous les doutes.  D’où l’importance des journalistes pour coordonner ces nouveaux acteurs de première ligne que sont les observateurs. Et même quand des événements tragiques sur lesquels la lumière tarde  à se faire se produisent à Paris.

 

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Clara Schmelck
Clara-Doïna Schmelck, journaliste, philosophe des médias. Rédactrice en chef adjointe d'Intégrale - est passée par la rédaction de Socialter ; chroniqueuse radio, auteur, intervenante en école de journalisme et de communication (Celsa ...).

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