Paris, la nuit la plus longue

EDITION SPECIALE 

Étrange sentiment que d’entendre, ligne 9, le conducteur annoncer, dans un incorrigible crachotis :« le métro ne marque plus l’arrêt à République suite à une demande préfectorale ». Au dessus du roulement souterrain, Paris hurle à balles réelles. C’est tard dans la nuit qu’on apprendra qu’au moins 60 personnes ont été tuées et 200 blessées lors d’une série d’attaques simultanées menées vendredi soir 13 Novembre dans la capitale française.

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Trois explosions se sont produites aux abords du Stade de France, en marge d’un match de football entre la France et l’Allemagne. Une prise d’otages a eu lieu dans la salle de spectacle du Bataclan, causant au moins 80 morts. Simultanément, plusieurs fusillades ont eu lieu dans la capitale. Un conseil de Défense est prévu ce samedi matin. En attendant, le président de la République a annoncé que l’état d’urgence serait décrété sur l’ensemble du territoire. Le « rétablissement immédiat des contrôles aux frontières », a également été décidé par l’Élysée.

Solidarité sur les réseaux sociaux 

Sur Twitter, le mot-dièse « #PorteOuverte » s’est diffusé hier quasiment immédiatement auprès de dizaine de milliers de personnes après les tueries pour proposer aux passants de se réfugier dans les appartements des Parisiens. Pour éviter que la barrière de la langue et de la timidité ne s’ajoute à l’effroi,  le hashtag s’est décliné en allemand, en espagnol et en anglais à l’attention des personnes non-francophones de passage à Paris et qui se seraient retrouvées dans l’impossibilité de trouver un abri pour la nuit.

photo 3Facebook, pour sa part, a mis en place un envoi de message à ses adhérents géolocalisés dans la zone des attentats : « Vous allez bien ? ». La réponse des personnes concernées était alors publiée pour « rassurer » famille, amis et relations.

Sur Twitter et sur Facebook, les mots de solidarité se sont prolongés tard dans la nuit. Des dessins appelaient à ne pas laisser la terreur faire taire la paix. Maintes fois reproduit et retweeté, ce dessin de la tour Eiffel protégée par l’arc pacifiste du symbole « Peace and love » des insouciantes années 1970, lançait à Paris ce seul mot d’ordre : continuez à vivre. Revenez sur les terrasses douces des cafés animés, reprenez place dans les salles de concert, chantez dans la rue. Difficile, quand la police a donné l’instruction de ne pas sortir de chez soi.

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Soutien de la presse internationale 

Les attaques sans précédent sur le sol français font la une de la presse internationale de ce samedi. Les journaux du monde entier ont exprimé leur solidarité avec le peuple français.

Les lecteurs américains semblent particulièrement préoccupés par les attentats de Paris du 13 novembre. Dès hier soir, beaucoup d’Américains ont adressé des messages de sympathie sur Twitter : « Nous sommes avec vous ». « Nous partageons votre peine ». On retrouve cette affliction fraternelle sincère que celle qu’avaient manifesté les Américains après les attaques de janvier.

Ce beau texte du New York Times explique pourquoi la France, avec son art de vivre concentre toutes les haines des extrémistes religieux zélotes :
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En Algérie, cette nuit d’horreur n’est pas sans rappeler « toutes les nuits les plus longues que nous avons vécues pendant les années noires », comme nous l’exprime un de nos correspondants à Alger. La guerre civile algérienne est le conflit qui opposa le gouvernement algérien, disposant de l’armée nationale populaire et divers groupes islamistes à partir de 1991. Les attaques terroristes étaient récurrentes. Elles avaient lieu dans des lieux de la vie quotidienne pour marquer les mémoires.

A la Une du New York Times
A la Une du New York Times

Dispositifs pour faire avancer l’enquête 

Il est encore trop tôt pour se prononcer sur les auteurs des crimes et sur les réseaux qui les ont commandités. Huit assassins ayant sévi au Bataclan sont donnés pour morts, selon CNN France.

Le président Hollande, le Premier ministre Manuel Valls et le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve s’étaient réunis en cellule de crise au ministère de l’Intérieur place Beauvau après les fusillades meurtrières qui ont éclaté à Paris vendredi soir. Ce matin, le ministère de l’Intérieur a mis en place un site où déposer des témoignages susceptibles de faire avancer l’enquête. Des données qui prendront un certain temps à être recoupées et vérifiées.

Les chaînes d’information, quant à elles, se sont souvenues des admonestations du CSA à leur endroit lorsqu’elles avaient couvert en direct les atten tats à Charlie Hebdo et à l’Hyper Casher. iTélé n’a pas diffusé d’images du Bataclan en direct du massacre.

 

Un événement prévisible

Et maintenant, comment allons-nous vivre ? C’est la question qui brûle les lèvres de tous les Français, du monde entier, même, mis au courant en temps réel du basculement de la ville dans l’épaisseur du sang.

Le journaliste Frédéric Helbert, reporter de guerre et enquêteur à Paris Match, s’entretient régulièrement avec le juge Trévidic, ancien juge antiterroriste. A Intégrales, il explique que : «  l’abolition des distances, la facilité que les organisations fondamentalistes ont à recruter dans les pays occidentaux, et l’inadaptation de la sécurité nationale à des attentats perpétrés à plusieurs, dans plusieurs lieux et à la simple arme à feu sont autant de facteurs qui rendaient prévisibles de tels événements. » Le 1er octobre, le juge Trédévic faisait savoir dans les colonnes de Match qu’il estimait que la France était une cible désormais prioritaire de l’Etat islamique par rapport aux Etats-Unis. « Nous sommes incapables d’enrayer leur montée en puissance constante », déplorait-il, prononçant ces mots prémonitoires : « l’EI peut frapper aussi fort en France que le 11-Septembre». A présent, comment anticiper pour parer les frappes ? Les solutions simples n’appartiennent qu’aux agités, et l’heure est à la fraternité et non aux joutes verbales. Il n’y a plus de confits lointains.

 

 

 

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Clara Schmelck
Clara-Doïna Schmelck, journaliste, philosophe des médias. Rédactrice en chef adjointe d'Intégrale - est passée par la rédaction de Socialter ; chroniqueuse radio, auteur, intervenante en école de journalisme et de communication (Celsa ...).

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