50 morts et 53 blessés. Les autorités américaines ont qualifié ce massacre d’acte de « terrorisme domestique ». Un impensable, sur les réseaux sociaux. Comment concevoir « l’ennemi intérieur », entre désolation et solidarité, sans se laisser séduire par les extrêmes qui instrumentalisent les craintes ?
Des coups de feu ont éclaté dans la nuit de samedi à dimanche, entre les murs du night club gay « Pluse » à Orlando, en Floride. Cinq dizaines de personnes ont subi la mort, et plusieurs se trouvent encore dans un état grave. Armé d’une arme de poing, d’un fusil et d’un engin suspect (source : FBI), le tueur, qui ciblait explicitement la communauté LGBTQ (lesbienne, gay, bi, trans et queer) d’Orlando, a été abattu après avoir pris des clients en otage.
Comme le rappelle l’éditorialiste Franck Bruni dans les colonnes du New York Times, l’attaque d’Orlando ne visait pas plus la communauté gay que l’attentat de Charlie visait les dessinateurs parisiens. C’est la liberté de se réunir, de rire, de choisir avec qui s’unir qui est attaquée à l’arme à feu, lâchement, sans qu’adversaire ne puisse se préparer au combat.
C’est ainsi que les journalistes de Charlie furent tués parce-qu’ils étaient insolents, les spectateurs du Bataclan parce-qu’ils aimaient la musique rock, les victimes de l’attentat de Tel-Aviv parce-qu’elles étaient juives, les noceurs du Pulse parce-qu’elles étaient gays.
L’auteur de la tuerie d’Orlando est un Américain d’origine afghane de 29 ans, Omar Mateen. Le jeune homme aurait prêté allégeance à l’organisation Etat islamique (EI) peu avant la tuerie.
Dans un « communiqué » d’une agence liée au groupe djihadiste Daech, Amaq, on peut lire que le groupe djihadiste a revendiqué l’attaque de la boîte de nuit d’Orlando. Adoubement opportuniste du « Califat » après coup d’un électron solitaire ? L’enquête se poursuit.
Instrumentalisation par les extrêmes
L’acte meurtrier homophobe, commis par un jeune émigré aux États-Unis d’origine afghane est le fait tout trouvé pour tenter d’arrimer certains gays vers des partis extrémistes xénophobes. Aux Etats-Unis, Donald Trump, ou en France, le Front National, pourtant résolument homophobes, exploitent sans vergogne le massacre d’Orlando en instrumentalisent plus ou moins grossièrement les craintes au sujet de l’immigration de musulmans qui seraient hostiles voire violents envers les personnes LGBTQ.
Sur les réseaux sociaux, une solidarité en mots et en dessins s’est exprimée. Envers la Floride, envers la communauté LGBTQ, envers l’Amérique, envers la fête, envers la liberté : à cet égard, il est frappant de constater que plus l’heure éloigne les utilisateurs de Twitter, Snapchat et de Facebook de l’événement, plus le discours gagne en abstraction. Par ailleurs, plus l’heure avance, plus l’enquête avance pour s’enfoncer inexorablement dans la complexité, et plus les tweets quittent le registre de l’indignation pour se laisser à celui de la consolation. Quand le terrorisme domestique frappe les États-Unis, comment penser et repousser cet ennemi intérieur ?
La barbarie d’un groupe international armé creuse les failles locales pour ancrer la terreur : en l’occurrence, le droit élargi au port d’armes, inscrit dans la constitution des États-Unis. Le site d’informations VOX n’a pas hésité à le rappeler aujourd’hui. Orlando fut l’occasion du 18e discours d’Obama, depuis son élection en 2008, pour condamner une tuerie aux Etats-Unis.
Ce soir, à 23 heures (Paris), les tweets exprimés depuis les comptes localisés aux États-Unis s’épaississent d’un dépit devant une humanité impossible à comprendre.
CS, avec la Rédaction
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