La droite s’affiche. A moins de trois semaines du premier tour des primaires ouvertes de « la droite et du centre » à la présidence de la République française, les sept candidats à la primaire à droite ont dévoilé leurs affiches de campagne, ainsi que leurs slogans. L’affiche d’Alain Juppé est passéiste ? Les autres le sont encore plus.
– Décryptage sémiologique.
La photo vintage d’Alain Juppé a fait jaser. Old School, rétro, coincé. Des remarques hâtives et peu analytiques. Car en fait, les affiches des autres candidats sont insidieusement bien plus « passéistes », « conservatrices », voire porteuses d’une nostalgie du passé. D’un passé fantasmé où le président, intelligence omnipotente, pouvait tout pour la Nation.
Dans « Ce que cache l’intrigante affiche de campagne d’Alain Juppé », Bruno Roger Petit analyse l’efficacité de l’affiche à premier abord « sinistre« , et écrit : « Quand on contemple l’affiche, on devine Alain Juppé, garant sa DS sur la place de l’église d’une petite ville française, ici ou ailleurs… On le voit entrer dans la boutique du photographe du coin, qui met dix jours à développer les pellicules Kodak avec la photo bonus…« .
« La France bleue horizon. Cette affiche est un vrai piège à imaginaire », ajoute Bruno Roger Petit. Les couleurs font penser à une vieille affiche électorale laissée au bord d’une station essence. N’importe quel bord de route, c’est un bon début pour un film français des Trente-Glorieuses, cette époque de plein emploi où les français consommaient sans compter. Des cigarettes paraissent avoir enveloppé ce bleu délavé. Des cigarettes qu’on a plus droit de consumer dans les lieux publics, et dont les prix ont bondi. L’affiche est efficace parce-qu’elle est douce.
Et, « Un mandat pour agir », c’est plutôt raisonnable. Juppé ne se représentera pas. Il circonscrit sa tâche, détermine la fonction qu’il brigue et ce pourquoi il se permet de solliciter les suffrages des électeurs. Pas de mots éloquents, ni de notions édifiantes. Juppé est calme.
On notera qu’Alain Juppé est le seul candidat à tourner la tête à gauche sur son affiche.
Devant un drapeau siliconé aux couleurs criardes, Sarkozy, dont l’affiche rabote le prénom, entend représenter en sa personne ce « Tout pour la France ». La France pour tous ? D’un oeil complice, le candidat sortant de 2012 la renverse. A bas la « racaille », à bas les « bobos ». la discorde civile n’est rien à côté de l’efficacité de ce candidat qui sera un président omnipotent. Un grand sens du présent, à l’heure où l’on parle de démocratie participative.
L’affiche de Nathalie Kosciusko-Morizet présente une femme vêtue d’un linge blanc et au visage baigné de lumière. « On a l’impression de se retrouver face à un ange« , a commenté la sémiologue Elodie Mielczarek dans le JDD. La candidate semble complètement accepter un rôle de femme tel que le définit la tradition chrétienne : fraîche, innocente, souriante, gracieuse. « Nouvelle société, nouvelle France », un slogan qui sent bon les bonnes vieilles années de la nouvelle vague.
Bruno Lemaire, quant à lui, a opté pour le style péplum. Avec son buste qui occupe toute la page, il apparait davantage en Narcisse qu’en César. Le candidat donne l’impression de se laisser séduire par sa propre esthétique électorale, regrettant le passé et non pas tournée vers l’avenir comme la pose le prétend.
A la droite du drapeau de la Nation, un François Fillon « décontract‘ », sans pompe, prend la parole. L’on reconnaît le candidat tel qu’il est quand il bat la campagne par monts et par vaux. « Courage et vérité » revendique François Fillon. Mais, cette énumération de vertus humaines est-elle un message présidentiel ou celui d’un élu local qui vise la confiance des gens du pays, voire d’un grand-père à ses petits-enfants ? La gestion du pays en bon père de famille, voilà ce que semble prôner un candidat très traditionnel.
A l’inverse de l’affiche très « tradi » de François Fillon, Jean-François Copé joue la carte de la modernité. Gris-noir business, police de caractère et couleurs à l’américaine, référence au compte Twitter du candidat, dont le buste profilé est tourné vers la discussion. Oui, Copé est au travail. La photo de campagne est une vraie photo d’un candidat en campagne. Mais, on a bien du mal à saisir le lien entre cette image et le slogan « on ne recule plus ». Le décalage entre le modernisme de l’affiche et le conservatisme du slogan (un appel à la force) dérange.
Impossible de faire plus archaïque que Jean-Frédéric Poissson. Le candidat, sans la moindre humilité, joue de son patronyme pour s’identifier aux premiers chrétiens persécutés à Rome, dont le signe, en grec, ressemblait à un poisson. Quelqu’un lui dit qu’il se présente à une primaire pour les élections à la présidence de la République ?
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