Notre Dame de Paris : des dons et beaucoup de questions

L’émotion des Français pour l’incendie qui s’est déclenché le 15 avril vers 18h45 à la cathédrale Notre Dame a ému la planète entière. Le drame de Notre Dame et le courage des pompiers de Paris qui ont réussi à en sauver la structure ont été en une des journaux du monde entier. Mais dès le lendemain, les sommes considérables recueillies pour sa reconstruction ont posé question.

Simon Alison, un journaliste sud-africain a fait la comparaison : plusieurs centaines de millions d’euros pour Notre Dame réunis en quelques heures ; mais en six mois, le musée national du Brésil, qui a brûlé dans des circonstances similaires l’an dernier, n’avait trouvé que 15 millions. Et le Sud-Africain de commenter : « j’imagine que c’est ce qu’on appelle le privilège blanc ». Il y a bien une différence de traitement financier, émotionnel et médiatique entre les pays occidentaux et les pays dits du sud. Cette hiérarchisation apparait de plus en plus insupportable à toutes les personnes passionnées d’art et d’histoire.

A la diamétrale opposée des propos délirants d’étudiantes qui ont manifestement mal digéré leurs cours d’Histoire et de géographie (étonnant de la part d’individus admis à suivre un enseignement supérieur) et qui qualifiaient le traitement médiatique de l’incendie de « délire de petits blancs », Pierre Haski appelle à une hauteur de vue universelle.

« L’universalisme ce n’est pas remplacer ma douleur par celle des autres. C’est l’opposé du racialisme. Mais de mettre 5 minutes dans la tête de l’autre, ça aide à comprendre le monde. » avertit d’ailleurs le journaliste en réponse à un tweet lui portant grief de faire le jeu de propos « communautaristes ». Ce n’est pas le plus petit dénominateur commun entre les Hommes qu’il faut chercher, mais le plus grand qu’il convient de tenter de trouver.

A plus fine échelle, comment reconstruire Notre-Dame sans retourner le regard d’Esmeralda ? En France, certaines voix se sont élevées pour regretter que tant d’argent soit trouvé en si peu de temps pour la cathédrale, mais qu’il n’y en ait jamais pour l’urgence sociale. L’église est un asile, rappellent des associations chrétiennes, pour qui la fonction sociale du lieu a été profanée par le tourisme lucratif.

La Fondation Abbé Pierre, victime indirecte de la suppression de l’ISF (laquelle encourageait les dons à des associations en les défiscalisant), s’étonne de ces sommes soudainement disponibles.

Course aux dons

La course aux dons de la part de grandes fortunes montre au grand jour qu’il n’y a pas d’asphyxie fiscale. L’image de « celle qui a la plus grosse » fortune parmi ceux qui ont des « couilles en or » a agacé Twitter. Souvent de manière caricaturale.

Car force est de constater que les dons consentis notamment par les famille Pinault ou L’Oréal ont aussi une occasion d’enrayer une partie de la pauvreté, puisque les fonds attribués représentent concrètement de l’argent débloqué pour faire travailler des personnes, et donc les libérer de leur état de vulnérabilité sociale. Et quid d’une multinationale américaine comme Airbnb, qui profite gratuitement et à la barbe du FISC français de la richesse du patrimoine parisien, et dont la voix ne s’est pas fait entendre après le drame ? « Don’t kill the wrong ping », prévenait Churchill.

En tous cas, le don, notion que l’on croyait désuète dans son acception axiologique, nous revient, sans jeu de mot, brûlante d’actualité. En réalité, c’est moins le montant que la valeur de ces dons qui angoisse l’opinion. Existe t-il des dons désintéressés ?

Cette question dérange parce qu’elle donne lieu à des éléments de discussion qui sont d’ordre axiologique, théologique et métaphysique. Des champs peu investis par le café du commerce, la machine à café du bureau et Twitter. Nos conversations sont subitement interrompues par la question du sacré, difficile à appréhender.

Alors il reste à refonder ensemble, sur de nouvelles bases, bases qui paradoxalement partent du haut, de la flèche et de la toiture, la charpente qui fait tenir ensemble les humains, de France et du monde.

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Clara Schmelck
Clara-Doïna Schmelck, journaliste, philosophe des médias. Rédactrice en chef adjointe d'Intégrale - est passée par la rédaction de Socialter ; chroniqueuse radio, auteur, intervenante en école de journalisme et de communication (Celsa ...).

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