Les écoles doivent-elles rouvrir, même progressivement ? C’est une des pierres d’achoppement du discours d’Emmanuel Macron lundi 13 avril.
Fausse bonne idée
Dans son discours du 13 avril, le président de la République a envisagé la possibilité d’une réouverture progressive des établissements scolaires :
« A partir du 11 mai, nous rouvrirons PROGRESSIVEMENT les crèches, écoles, collèges, lycées (…) le gouvernement, dans la concertation, aura à aménager des règles particulières d’organisation », a énoncé le présent.
Cela permettrait de dégager les parents de la charge de leurs enfants. Les adultes pourront ainsi reprendre leur emploi dans des conditions normales, et de ce fait, contribuer à la relance d’un pays qui ne peut se permettre un nouveau trimestre de récession.
On parle d’une contraction de 6 à 9 % du PIB, ce qui représente 2 à 3 millions de chômeurs potentiels, des centaines de milliers de faillites, le surendettement mettant à la merci de créanciers qui exigeront une austérité. Or, l’Etat s’engage à verser des allocations supplémentaires aux familles et de faire accepter une série de mesures sociales aux employeurs dont les groupes sont cotés en bourse.
Cette mesure permettrait en outre de réduire l’impact du « milieu familial » dans leur scolarité. On sait que la différence de condition de vie à la maison précipite les inégalités de condition d’apprentissage.
On ne peut nier que des centaines d’enfants et d’adolescents sont actuellement en danger car violentés par des adultes confinés qui abusent de leur autorité. Certains enfants et jeunes sont témoins de violences conjugales, toute la journée, sans échappatoire.
De plus, nous pouvons conjecturer une stratégie sanitaire : utiliser les écoles comme vecteurs de l’immunité collective. les parents sont statistiquement plus jeunes donc moins à risque, et la réouverture peogressive servirait à ne pas surcharger les services.
Ce qui semblait être une bonne idée se révèle peut-être être une fausse bonne idée, vu toutes les contraintes que cela induit.
Rappelons nous que le premier français mort Covid-19 était un professeur, dans l’Oise, et que 30 % des professeurs ont plus de 50 ans.
La réouverture des écoles, collèges et lycées implique une mise aux normes sanitaires des bâtiments, que tous les établissements avec personnel médical,gel,masques,tests, papiers toilette. Elle suppose la mise en place d’effectifs réduits pour respecter la distance sanitaire, et que le salaire des enseignants, surexposés, soit augmenté au minimum de 25%.
Or, aucune mesure sanitaire et financière suffisante ne pourrait être prise d’ici au 11 mai. Donc, de quel droit imposer aux enseignants de revenir donner cours dans les établissements ? L’école n’est pas une garderie gratuite jusqu’à la majorité. Or, c’est ce que considèrent pourtant bien des couples en France avant de prendre la décision d’avoir des enfants. A leur décharge, la situation actuelle est inédite.
Droit de retrait des enseignants
Et une telle mesure, même avancée au conditionnel, génère une inquiétude supplémentaire chez les enseignants, lesquels n’ont même pas de médecine du travail . Ceux qui enseignent sont déjà au charbon non stop pour assurer au mieux la continuité pédagogique en dépit des inégalités (équipement informatique, maîtrise des outils et réseaux numériques, degré de culture générale). Certains parents soucieux de leurs enfants s’inquiètent aussi et sont prêts à trouver des solutions alternatives en cas de prolongement du confinement.
Le droit de retrait des enseignants devrait rapidement faire parler de lui et pousser au rétropédalage éventuel partiel : il est probable que les enseignants fonctionnaires ´poursuivent le dispositif de continuité pédagogique en confinement pendant que des vacataires précaires gardent dans les écoles les enfants des employés qui n’ont pas dans l’immédiat, pour diverses raisons, les moyens de trouver des solutions alternatives pour assurer une présence adulte auprès de leurs enfants pendant les heures travaillées et les temps de trajet domicile-lieu de travail.
Alors, que faire ? Certaines entreprises vont-elles mettre à disposition des espaces dédiés aux enfants des employés ? Des micro-tiers-lieux d’accueil à échelle municipale vont-ils être créées ?
Pour le chef de l’Etat et son ministre Jean-Michel Blanquer, le dilemme est difficile, parce que la solution idéale n’a toujours pas été trouvée.
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