Toujours Charlie

Quatorze accusés sont jugés devant une cour d’assises spéciale à Paris. Les trois assaillants ont été abattus, le 9 janvier 2015, après avoir tué dix-sept personnes à « Charlie Hebdo », Montrouge et dans un Hyper Cacher.

Mercredi 2 septembre s’ouvre le procès des attentats djihadistes de janvier 2015 contre l’hebdomadaire Charlie Hebdo, la policière Clarissa Jean-Philippe et le supermarché Hyper Cacher de la porte de Vincennes devant une cour d’assises spéciale du tribunal judiciaire de Paris. 14 accusés sont jugés jusqu’au 10 novembre. Ils sont soupçonnés de soutien logistique aux auteurs des attaques, qui ont causé la mort de 17 personnes.

Intégrale republie ce texte initialement paru le 8 janvier 2015 sur son site.

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– DOSSIER –

C’était il y a un mois. Mercredi 7 janvier, 12h, siège de Charlie Hebdo. La petite rédaction de la rue Appert est figée dans un périmètre de sécurité où se blottissent en bloc les journalistes. Pendant des heures, on répètera des duplex absurdes dans toutes les langues. Dans un mouvement de balancier, les équipes de BFM TV se remplacent les unes après les autres. Il pleut. il fait nuit. Un grand policier ramène une petite fille chez elle. Elle l’embrasse. Il fait froid. Non, il ne fait pas froid. Pas ce soir. Plus de 100 000 personnes se sont rassemblées à travers toute la France, en solidarité avec les douze victimes de l’attaque. Place de la République à Paris, des citoyens se rassemblent spontanément. A l’étranger, des milliers de personnes sont venues soutenir la France, touchée en son cœur, en son trait d’esprit.
 – Nos quatre reportages, analyses et débats long format. 

Photo : CS Intégrales Productions
Photo : CS Intégrales Productions

La semaine des attentats : enquête et débat

Couverture des attentats : faut-il blâmer les chaines d’info en continu ? 

Débat

Les terroristes ont cherché à faire vaciller la démocratie en s’attaquant au journal satirique Charlie Hebdo, un symbole de la presse libre. Ils ont aussi, toute proportion gardée, voulu atteindre les médias en stimulant le sensationnalisme et la confusion sur les chaines d’information en continu, et cherché de la sorte à les destituer de leur pouvoir d’informer avec discernement. C’est pourquoi le CSA va mener une enquête régulière sur le rôle de ces chaînes pendant les attentats, et inviter les radios et télévisions à une réunion de réflexion sur leur mission.

Parallèlement, le reproche a été fait aux chaînes d’info en continu d’avoir cédé à la confusion et d’avoir volontiers versé dans l’info-spectacle. C’est exactement l’effet recherché par les trois terroristes. Pendant trois jours, les deux rivales française de l’info ont battu tous leurs record d’audience passés. BFM-TV a ainsi réuni vendredi 13,3 % du public sur l’ensemble de la journée. Son président a eu le goût douteux de s’en targer sur Twitter, ce qui n’arrange pas la perception que se font les gens des médias.

 Chronique des attentats Intégrales Mag avec le New York Times

Reportage

Le ciel est avachi au bord de la route. Dans le XIXè arrondissement, des chapelets de bistrots laissent tinter les heures par BFM TV. Dans aucun, il n’y a de lumière. Deux yeux américains, deux yeux français. Une journaliste d’investigation et une journaliste médias. Elle veut remonter aux réseaux qui ont téléguidé les deux frères Kouachi. Je veux savoir comment des Français en sont venus à frapper leur pays en son trait d’esprit. Tandis-que ses mains parcourent les numéros téléphoniques de contacts à CNN et à Al Jazeera, j’établis une géographie de l’investigation à venir. D’emblée, nous comprenons qu’il va falloir basculer en permanence d’une échelle à l’autre. Dans tous les cas, des portes qui s’entrouvrent sur la pénombre. Sur des évitements. Des soupçons de complots. Des pistes stériles. Ce jour là, Paris est une impasse aussi livide qu’une page d’erreur 404.

Photo CS Intégrales Productions
Zineb El Rhazaoui, journaliste à Charlie Hebdo et témoin de la fusillade, nous dessine la scène au bic. Photo CS Intégrales Productions

L’après Charlie : grand angle 

 La liberté d’expression à l’épreuve de ses caricatures 

Analyse

Liberté. Mot sacré au pays de Voltaire et de la République. Un principe qui n’est pourtant pas à l’abri des attitudes paradoxales, voire des lectures caricaturales, comme le montrent les diverses réactions en France et à l’étranger devant la parution du dernier numéro de Charlie Hebdo, en une duquel le prophète Mohamed est à nouveau représenté.

La presse française aura quasi-unanimement fondé sa lecture des événements sur l’article XI de la Déclaration des droits de l’hommes, préambule de la Constitution de la France, qui stipule tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi.

Mais, la presse étrangère a parfois fait valoir d’autres arguments en se demandant si les journaux devaient reproduire ou non les caricatures de Charlie.

Et, défendre la liberté de la presse ne se réduit pas à acheter son numéro de Charlie. Le paradoxe était flagrant mercredi matin, aux kiosques qui entourent la place de la République : des centaines de personnes partaient avec le même journal sous le bras…un cliché qu’on aurait pu prendre sous un régime autoritaire !

Photo CS, Intégrales Productions.
Graffito dans une rue de Paris, dimanche 11 janvier 2015. Photo CS, Intégrales Productions.

 Laïcité : le grand malentendu

Débat

Comme une bouche ou comme une blessure, la laïcité s’est rouverte dans le ciel du 11 janvier. Ce principe républicain, qui dessine depuis 1905 les conditions juridiques d’un Etat séparé de l’Eglise, est fissuré de contresens depuis que le débat public de l’Après-Charlie s’en est tantôt emparé, tantôt paré.

Le principe laïcité vise à unir les hommes par ce qui leur est commun en droit, par ce qui leur permet de discuter ensemble, au delà de quelque déterminisme social.

La laïcité, on ne le répétera jamais assez, est un principe qui consiste à ouvrir à la diversité des cultures en favorisant une distance critique par rapport au monde réel, et n’exclut pas d’être amené à aborder toutes les problématiques liées à la religion.C’est pourquoi cette tâche républicaine incombe aux professeurs de l’ensemble des disciplines, mais aussi aux médias, et en premier chef aux groupes audiovisuels publics.

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Ce 2 septembre 2020, « Charlie Hebdo » republie les caricatures du prophète Mahomet qui avaient fait du journal la cible des djihadistes.

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Clara Schmelck
Clara-Doïna Schmelck, journaliste, philosophe des médias. Rédactrice en chef adjointe d'Intégrale - est passée par la rédaction de Socialter ; chroniqueuse radio, auteur, intervenante en école de journalisme et de communication (Celsa ...).

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