En 2020 en France, un extrémiste religieux, se réclamant de l’islam, a littéralement eu la tête d’un professeur qui a présenté à sa classe des dessins satiriques de Charlie Hebdo dans le cadre d’une leçon sur la liberté d’expression.
Vendredi 16 octobre 2020, un professeur a été décapité au couteau dans les Yvelines, à Conflans-Sainte-Honorine. Le meurtrier. Le tueur présumé a été tué par des policiers quelques minutes plus tard. Le Parquet national antiterroriste a annoncé être saisi.
L’homme qui a été abattu d’une dizaine de balles par la police avait posté une photo du corps du professeur sur les réseaux sociaux. Ce dernier s’appelait Samuel Paty et était professeur d’histoire-géographie dans un collège d’une banale banlieue.
Le règne de l’opinion et de la délation
Le professeur avait présenté les caricatures de Charlie Hebdo pendant un cours dit d’enseignement moral et civique (EMC, intitulé qui a remplacé en 2018 l’ECJS) pour aborder la notion de liberté d’expression.
Certains élèves n’ont pas saisi le sens figuré de l’illustration. Ils n’ont pas voulu ou su comprendre la démarche de leur professeur et on préféré interpréter ce moment de la leçon comme un acte partisan du professeur. Pour ainsi dire, ces élèves ont pris les caricatures présentées, pourtant avec grande précaution, comme relevant d’une opinion condamnable – et l’ont rapporté ainsi à leurs parents.
En collège, après cinq ans de scolarité élémentaire, les élèves devraient être tous être en mesure de saisir les démarches pédagogiques des professeurs, différencier sens littéral et sens figuré, identifier le registre de la satire, séparer la sphère de la vie publique de celle de la sensibilité religieuse privée.
Mais, des programmes scolaires du secondaire de moins en moins exigeants , conçus tels des « enseignements par objectifs » et autres activités hybrides de type « centre de loisirs » conduisent inéluctablement à un manque d’esprit critique des jeunes esprits. Les jeunes adolescents ne savent plus voir une image, aveuglés par leurs sensibilités personnelles, lesquelles ne valent pas à l’école. C’est la voie ouverte aux obscurantismes.
« Je suis en colère ce matin », a dit Iannis Roder, professeur, sur France Inter samedi 16 au matin. « Cela fait des années que nous tirons le signal d’alarme. C’était tout à fait dans l’ordre du possible. À partir du moment où des gens considèrent, dans une vision absolutiste de la religion, que tous ceux qui s’opposent à leur vision du monde sont des cibles potentielles, je ne vois pas pourquoi les enseignants qui sont en première ligne, qui se battent au quotidien pour faire valoir les valeurs de la République, ne seraient pas un jour victime de cela. »
Et, si le niveau académique des élèves français a indéniablement considérablement chuté en France ces vingt dernières années, c’est aussi en partie du fait de la possibilité donnée aux parents des enfants d’interférer de manière intempestive dans les affaires qui relèvent de l’institution scolaire : professeurs, chefs d’établissements et inspection.
« Les écoles doivent rester l’asile inviolable où les querelles des hommes ne pénètrent pas. » avait déjà averti Jean Zay.
En effet, le droit de se mêler de tout, de faire des pétitions, de remettre en cause le cours d’un professeur, sa pédagogie, sa notation, les programmes, les devoirs des élèves… empêche au quotidien l’école de réaliser ses principes. Les professeurs, réduits au rôle d’enseignants, prestataires chargés de garder des enfants ou d’occuper des jeunes sans « faire de vagues » de la maternelle à la licence, perdent indéniablement en liberté intellectuelle.
Ce laisser-passer fragilise l’institution, ceux qui la servent. Elle ouvre la porte à des abus (ambiance délétère, agressions, sape psychologique des professeurs ) et au pire : injures, délations, menaces, actes barbares. C’est la liberté pédagogique qui protège le professeur des invectives venues de l’extérieur, et a fortiori des adultes les plus dangereux (en l’occurrence un extrémiste musulman qui est passé à l’acte criminel).
Quelques jours avant le crime, des parents d’enfants, très sûrs d’eux, ont publié des vidéos de menaces et d’injures sur Facebook. La campagne de délation de ces adultes a encouragé un furieux, jeune homme de dix huit ans, a décapiter le professeur visé au couteau.
Il s’agira de donner des limites franches aux réclamations et demandes légitimes d’information des parents pour en finir avec les interventions pernicieuses, permanentes et parfois dangereuses des adultes de l’extérieur. Les professeurs rapportent des témoignages épouvantables. En outre, il faut réguler les espaces de conversation en ligne ouverts et fermée (groupes privés de plus de dix personnes) pour que n’y prospérèrent pas des contempteurs de l’institution scolaire.
« La responsabilité de ce crime abominable va aussi à cette radicalisation cognitive à bas bruit, cette intolérance qui s’est diffusée en Europe principalement à partir des années 90, par le travail de sape du salafisme, fût-il non djihadiste, et certainement aussi d’une frange du frérisme. Leur rapport absolutiste, non relativiste au corpus sacré est en cause, particulièrement celui au hadith et à la figure du prophète. C’est aussi, en parallèle, un refus des libertés de conscience et d’expression, qui comptent parmi les fondamentaux de nos principes republicain. Cette radicalisation cognitive à bas bruit est illustrée par les posts Facebook de ce parent d’élève du professeur d’histoire assassiné », signale l’anthropologue Cédric Baylocq.
La hiérarchie scolaire, prévenue des menaces des adultes, n’a pas été en mesure de faire face à l’assaut des adultes extérieurs à l’institution. On se demandera pourquoi. La police poursuit son enquête.
Refuser le fanatisme à l’école
« Charlie Hebdo fait part de son sentiment d’horreur et de révolte après qu’un enseignant dans l’exercice de son métier a été assassiné par un fanatique religieux. Nous exprimons notre plus vif soutien à sa famille, à ses proches ainsi qu’à tous les enseignants. » a tweeté le journal satirique.
« Ce soir, c’est la République qui est attaquée avec l’assassinat ignoble de l’un de ses serviteurs, un professeur.
Je pense ce soir à lui, à sa famille.
Notre unité et notre fermeté sont les seules réponses face à la monstruosité du terrorisme islamiste.
Nous ferons face . » a déclaré le ministre de l’Education nationale sur Twitter.
« Nous devons nous réunir demain devant les collèges de nos quartiers. Les académies et les maires seraient bienvenus d’indiquer un horaire commun et si possible national. » ont tweeté plusieurs professeurs et anciens professeurs hier dans la nuit.
A la rentrée des vacances de la Toussaint, de nombreux professeurs ont décidé, dans leur collèges – de commencer la journée avec un cours sur la liberté d’expression illustré des caricatures de Mahomet.
Fort heureusement, l’enseignement de l’arabe sera renforcé en France. L’arabe, qui est la langue d’Ibn Al Farabi, Abn Sina, Ibn khaldoun, Adonis…; ce ne sont pas des extrémistes qui vont détruire le projet de connaissance universelle, celui de l’école de la République en France.
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