Covid 19 : des censeurs de tous poils ont envahi l’espace public

 E     D     I     T     O     R     I     A     L     Week-End

Farouk Atig

 

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rédacteur en chef d’Intégrale

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Que peut-il bien y avoir de commun entre une coiffeuse braillarde, un électricien gâteux, un plombier fort en gueule, une dame-pipi maladroite d’une de ses deux jambes, une caissière de supermarché aux petits soins bien que sacrément rondouillarde, une inconnue dans la rue que vous n’aviez nullement l’intention de courtiser et ne reverrez plus jamais de toutes façons, un contrôleur de TER manifestement atteint du syndrome d’Asperger, une gérante de restaurant âgée de trente ans tout au plus, qui déjà en a vu d’autres dans sa vie et fait mine de ne pas vous en vouloir pour avoir commis l’irréparable.

L’irréparable, vraiment ?

Car aux yeux de cette meute constituée -qui a fait ses armes dans les années 2000 se découvrant notamment une passion sans faille pour la courageuse Marine le Pen, -la seule, imaginez-vous, à être parvenue malgré son statut de femme et subalterne à transformer de fonds en comble le vieillissant FN, enfin surtout la première lettre…- vous avez bel et bien commis l’irréparable et pas question de laisser un cas isolé comme le vôtre donner des idées à d’autres et encore moins de faire des émules…

Notre crime, le voici : sans respect aucun du protocole sanitaire établi dans le strict souci de veiller à la non-propagation du virus de la Covid-19, lequel protocole englobe depuis quelques jours de nouvelles mesures et un périmètre étendu à la jonction sud de la rue du Renard, jusqu’au square menant à la Tour Saint Jacques -laquelle est d’ailleurs fermée au public jusqu’à nouvel ordre- l’accès aux allées commerciales rétrécit comme peau de chagrin, rendant par moments un choc possible entre deux adultes, protégés ou non…

Problème, ce mardi-là, Pierrick s’était un peu levé du mauvais pied, et alors qu’il mettait à peine le nez dehors, trois mère-la-morale en carton pâte surgies de nulle part ont bondi vers l’assaillant, lui fichant une sacrée frousse dans un premier temps, avant que chacune n’y aille de sa petite complainte à l’égard du contrevenant encore sous le choc…

But affiché  de la manœuvre ? Faire naître chez le pauvre individu qui ne demandait rien à personne de si bon matin une forme tangible de honte, de celles que cette escouade sait encore plus donner de voix en la présence en particulier d’enfants ou d’officiers de police…

Vous ne l’entendez toujours pas cette comptine du je-te-fais-passer-pour-un-incapable-en-public-avant-même-que-tu-n’aies-eu-le-temps-de-faire-ouf, mais ça ira pour toi, n’est-ce pas ?

Les nouvelles milices de la bienséance publique

Ceci étant, si l’une de ces dames patronnesses avait bien voulu prendre la peine d’observer sans la figer la scène, ne serait-ce qu’un court instant, elle n’aurait certainement pas eu de mal à se rendre compte que le malheureux pressé par le temps comme le sont du reste la plupart des Parisiens, n’avait en réalité commis de seule simili-infraction qu’un bref repli de sa lèvre supérieure censé normalement replacer l’un des deux élastiques en direction de l’oreille opposée, et permettre ainsi au contrevenant de maintenir une respiration cantonnée dans son seul masque…

Pas de bol pour Pierrick, quelqu’un devait payer ce jour-là, et il fallait bien que ce soit lui, de bon mardi matin, qui endosse l’étoffe du foutu lampiste…

Et si l’histoire ne faisait que commencer ?

De tels épisodes, fondés par le sens autant que par la morale sont un puits de bienfaits pour la communauté : imaginez que ces gens que tout ou presque opposait jusque-là ne craignent désormais plus d’exprimer au milieu d’autres de leurs semblables des idéaux, certains parlent même de croyances, confinés par la bonne morale parisienne à de la graisse juteuse que des mains non expertes faisaient choir pour alimenter pourceaux et animaux de la ferme en manque cruel de tendresse.

Ce n’est ni plus ni moins qu’un miracle générationnel qui est peut-être en train d’avoir lieu sous nos yeux ébahis. Dans un tel cas de figure, il est fort à espérer que cette brigade d’un nouveau genre finisse par propager ses idées et méthodes bien au-delà de nos frontières, comme ce fut, rappelez-vous, la norme à Strasbourg il y a près d’un an, quand des individus comme vous et moi avaient été lâchement cloués au pilori pour avoir simplement accompli leur devoir citoyen : celui de dénoncer aux autorités (prises de court au début des évènements) celles et ceux d’entre nous capables, sans le moindre scrupule, de quitter sans y être autorisé le très acceptable périmètre que leur avait pourtant octroyé nos généreuses forces de police.

Une nouvelle manière de concevoir la France est très probablement en train de voir le jour : il était temps…

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Farouk Atig
Farouk Atig, ancien grand reporter, conférencier et enseignant, dirige Intégrales

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