Migrants : plusieurs morts, un cliché nécessaire

Les « migrants » sont avant tout des êtres humains comme vous et moi. Voilà ce que cette photographie tend à vouloir démontrer. Mais, avait-on besoin de ce cliché pour être plus attentif au sort des déplacés ? Oui, car l’histoire des migrants a besoin d’histoires.

Maryam Nuri Mohamed Amin, 24 ans, Kurde d’Irak est la première des 27 migrants morts noyés dans la Manche mercredi à être identifiée. Elle cherchait à rejoindre son fiancé qui vit au Royaume-Uni. Ils échangeaient des messages au moment du drame. Une photo du couple circule sur les réseaux sociaux.

L’image rassure. Elle présente un humain, loin du portrait du dangereux migrant illégal dépeint par de nombreux médias et politiciens.

Cette jeune femme, qui apparaît dans les accoutrements d’une princesse. L’homme qu’elle a choisi est élégant, rêve de posséder une belle maison : les conditions idéales pour fonder une famille. La femme est la première victime identifiée du naufrage dans la Manche, précise le journal Le Monde.

Un cliché documentaire

Sur fond de crise diplomatique, la question de l’accueil et de l’asile des déplacés contraints (contrairement aux expatriés)est un impensé politique et intellectuel.

Avait-on besoin pour recentrer la question de ce cliché qui illustre avant tout la « loi de proximité »- l’empathie est fonction de la possibilité de s’identifier aux sujets photographiés-?

« Histoire facile et larmoyante. Le couple est beau, on s’identifie. Mais c’est tous les mois depuis les années 90 que des gens perdent la vie dans la manche ou en mer méditerranée. Tous ont des histoires. Beau ou pas, femme rejoignant son mari ou pas. », s’agace le reporter Quentin Muller.

Et pourtant, cette image documente indirectement le périple de la jeune femme disparue. Son fiancé a suivi en direct le voyage de sa compagne à bord du bateau pneumatique. Ils s’écrivaient sur Snapchat, elle lui avait envoyé ses données GPS. Le signal s’est coupé, d’un coup, et n’est pas réapparu.

Récit nécessaire

Et pourtant, aussi qu’elle soit, cette photo est à diffuser autant que puisse se faire. Les migrants ont une histoire, et pour qu’elle soit écrite, ces récits de vie qui parlent à tous sont nécessaires.

Ce tweet adressé à la reporter Ariane Chemin souligne lé rôle du journaliste pour participer à l’écriture des vies de ce qui prennent les routes les plus dangereuses : « Poursuivez, enquêtez, publiez, criez, identifiez… Jusqu’à ce que nous voyions à quel point nous sommes parfaitement semblables. ».

La France n’a pas le droit d’empêcher des gens de quitter son territoire (art. 13.2 de la DU Droits de l’Homme) et l’Angleterre n’a pas le droit de refouler des demandeurs d’asile (Convention de Genève).

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Clara Schmelck
Clara-Doïna Schmelck, journaliste, philosophe des médias. Rédactrice en chef adjointe d'Intégrale - est passée par la rédaction de Socialter ; chroniqueuse radio, auteur, intervenante en école de journalisme et de communication (Celsa ...).

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