Affaire Ollinville : comment l’info squatte les médias

Un couple achète un pavillon de banlieue à prix réduit pour cause d’occupation illégale du bien, puis interpelle la presse locale- le Parisien- en feignant s’étonner de la présence d’une famille sans titre d’occupation. D’une vérité partielle à un escarpement de strates du pouvoir, itinéraire d’un fait divers.

Maison squattée, vidéo virale

L’histoire a fait le tour du web. Mercredi, un jeune ménage a raconté, larmoyant, au site internet du journal « Le Parisien » avoir été empêché par des squatteurs de s’installer dans son nouveau domicile. Ils s’agit d’une modeste maison d’à peine 70 mètres carrés perdue à Ollainville (Essonne), dans une zone péri-urbaine.

Mais, les deux ont omis de préciser au média qu’ils étaient au courant de l’occupation du lieu au moment de l’achat, et que celle-ci avait fait baisser le prix du bien.

Le reportage vidéo a été partagé ce vendredi après-midi plus de 20.000 fois sur Twitter, et a ému des membres du gouvernement. Les ministres de l’Intérieur et de la Cohésion des territoires Gérald Darmanin et Amélie de Montchalin n’ont d’ailleurs pas tardé à réagir. Dénonçant une situation « inacceptable », ils ont exhorté le préfet du département à « ’engager la procédure de l’article 38 de la loi Dalo pour une évacuation rapide des occupants illégaux ».

Le ministre de l’Intérieur en personne a obtenu une mise en demeure d’expulsion. Il s’agit là d’un escarpement de strates de pouvoir : l’affaire n’aurait pas dû remonter en si haute juridiction.

Entre temps, la famille d’occupants illégaux est molestée par des riverains mis au courant de l’affaire via le web : le buzz incite à se faire justice soi-même.

Du Buzz à la violence

Or, on append que le couple d’acheteurs a sciemment instrumentalisé le journal Le Parisien dans le but de provoquer une expulsion plus rapide des occupants illégaux eux mêmes dupés par des vendeurs illégaux. Le Parisien s’est fait piéger par un discours malhonnête. Comment le journal a t-il pu être aussi crédule ?

Le ménage avait tiré bénéfice de la présence d’illégaux en obtenant une ristourne sur l’achat de leur modeste pavillon, déjà vendu à un prix exorbitant étant donné sa situation géographique et les coûts faramineux qu’il engendre chaque mois (entretien, chauffage, essence, accès aux services…).

L’affaire montre que l’impact de l’emballement médiatique et les décisions politiques est encore plus fort quand un article erroné est repris de manière circulaire. Le Parisien, dans un communiqué, est revenu sur la manière dont il a couvert le fait divers, mais trop tard : la violence s’était déjà installée.

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Clara Schmelck
Clara-Doïna Schmelck, journaliste, philosophe des médias. Rédactrice en chef adjointe d'Intégrale - est passée par la rédaction de Socialter ; chroniqueuse radio, auteur, intervenante en école de journalisme et de communication (Celsa ...).

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