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Hanouna et nous : la culture du clash et la crise de la démocratie représentative

Le député Louis Boyard (Nupes) a été injurié sur le plateau de télévision de l’émission TPMP par l’animateur Cyril Hanouna. Cette séquence dénote une crise des institutions, et plus particulièrement de la démocratie parlementaire, dévoyée par la culture du clash.

Crise des institutions

En France, c’est du jamais vu. Un animateur de télévision s’en prend à un élu de la République, député de la Nation, en l’injuriant grossièrement.

L’Arcom, le gendarme de l’audiovisuel, a indiqué ce matin à l’AFP avoir été saisie après l’échange houleux, jeudi soir, entre l’animateur Cyril Hanouna et le député LFI Louis Boyard dans l’émission « Touche pas à mon poste » sur C8. Nous sommes saisis et nous allons examiner la séquence au regard des obligations de l’éditeur », a indiqué l’Arcom à l’AFP, sans toutefois préciser si la saisine émanait de LFI ou de téléspectateurs.

Ces émissions ont érodé les figures et symboles institutionnels, via tous types de supports, et ont dénaturé jusqu’à la fonction législative via la culture du clash. Les élus et personnes politiques qui acceptent d’y participer, et surtout en qualité de parlementaire, jouent un jeu dangereux. La façon dont ils perçoivent leur fonction – et dans le cas du député Louis Boyard, le pouvoir législatif – est trouble.

« On ne discute pas recettes de cuisine avec des anthropophages » : cette mise en garde du savant et résistant Jean-Pierre Vernant pourrait éclairer les débats internes à LFI sur les stratégies médiatiques à suivre.

Influence sur le débat parlementaire

Mais voilà. Faire du buzz rend populaire, permet à peu de frais à un député de se faire connaître du grand public, et ça, Hanouna le sait bien. D’où cette sortie au député Louis Boyard avant-hier soir : « Si t’es député,c’est grâce à nous, aussi ! ». L’animateur de la chaîne tenue par Vincent Bolloré clame son influence sur les électeurs et prétend avoir le pouvoir d’envoyer untel ou untel à l’Assemblée Nationale.

Quand le clash à la TV précipite une crise de la démocratie représentative: Hanouna, installe la notion de visibilité à la place de celle de représentativité.Dans ce mode de gouvernement,l’élu populaire tire sa légitimité du bruit médiatique qu’il génère.

Cyril Hanouna a très bien compris que la l’impact de la parole publique était fonction de sa puissance émotionnelle. Il suffit de revisionner tous les épisodes de l’émission TPMP : on y voit se clasher les invités imbibés dans une bassine de pathos. Face aux thèmes politiques qui méritent débat (l’immigration, le logement, l’éducation, la sécurité…), ils ne proposent pas de pistes de réflexion ni de solutions, mais réagissent.

Tous les les sujets politiques sont systématiquement traités à travers le prisme binaire d’innocents jetés dans le malheur, ou au contraire, des coupables demeurés impunis.

Résultat : le débat politique public est déformé, polarisé par les opinions extrêmes.

Non seulement, les émissions de clash qui sont le règne de l’opinion influencent la composition du Parlement, mais de plus, ces émissions sapent la démarche propre au débat parlementaire, élaboré, construit au moyens de contradictions.

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Clara Schmelck
Clara-Doïna Schmelck, journaliste, philosophe des médias. Rédactrice en chef adjointe d'Intégrale - est passée par la rédaction de Socialter ; chroniqueuse radio, auteur, intervenante en école de journalisme et de communication (Celsa ...).

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